Filmographie de Anne Hathaway : Les Misérables, le Sommet Absolu

Dans l’histoire du cinéma hollywoodien, il existe des points de bascule. Des moments précis où une actrice cesse d’être une simple star populaire pour devenir une icône respectée. Pour Anne Hathaway, ce moment porte un nom : Fantine.

Longtemps cantonnée aux rôles de « jeune première » ou de princesse maladroite dans les productions Disney, l’actrice a opéré une mutation spectaculaire en 2012. L’adaptation de Les Misérables par le réalisateur Tom Hooper n’est pas seulement une comédie musicale à succès produite par Universal Pictures ; c’est une étude de cas sur le dévouement artistique.

Cet article analyse en profondeur comment ce rôle a redéfini les standards de la comédie musicale au cinéma et pourquoi il reste, à ce jour, la pierre angulaire de la filmographie de Anne Hathaway.

De Disney à Hugo : La genèse d’une ambition

Pour comprendre l’impact de ce film, il faut regarder le chemin parcouru. Au début des années 2000, Anne Hathaway est l’image même de la « Girl Next Door » grâce à Princesse malgré elle (The Princess Diaries). Bien que son talent soit indéniable, l’industrie peine à lui confier des rôles tragiques.

Le premier virage s’opère avec Le Secret de Brokeback Mountain et surtout Rachel se marie (Rachel Getting Married) de Jonathan Demme, qui lui vaut sa première nomination aux Oscars. Cependant, le grand public la voit encore à travers le prisme du Diable s’habille en Prada face à Meryl Streep. C’était une excellente performance, mais elle restait dans un registre « glamour ».

Lorsque le projet Les Misérables est annoncé, la compétition est féroce. Le rôle de Fantine, figure maternelle tragique imaginée par Victor Hugo, est l’un des plus convoités de Broadway et de Hollywood. Anne Hathaway savait qu’elle jouait sa crédibilité. Elle ne voulait pas « jouer » Fantine, elle devait « devenir » Fantine pour effacer définitivement l’image de la princesse de Genovie.

La révolution sonore : Pourquoi le « Live » change tout

L’aspect le plus révolutionnaire de cette production réside dans sa technique d’enregistrement. Traditionnellement, dans les comédies musicales comme Chicago ou Mamma Mia!, les acteurs enregistrent leurs chansons des mois à l’avance dans un studio confortable. Sur le plateau, ils font du « playback » (lip-sync).

Le réalisateur Tom Hooper a refusé cette méthode, la jugeant « fausse ». Pour la filmographie de Anne Hathaway, c’était un défi sans précédent.

Le dispositif technique de l’oreillette

Chaque acteur, y compris Hugh Jackman et Russell Crowe, portait une minuscule oreillette invisible. Un pianiste jouait en direct sur le plateau, isolé dans une cabine insonorisée, mais suivant le rythme des acteurs via des moniteurs.

Cette méthode a permis à Anne Hathaway de prendre des libertés incroyables :

• Elle pouvait ralentir le tempo pour pleurer.
• Elle pouvait briser sa voix sous l’émotion.
• Elle n’avait pas à se soucier de la synchronisation labiale parfaite.

Le résultat est une performance brute. Les imperfections vocales que l’on entend ne sont pas des erreurs, ce sont des choix d’actrice. C’est ce qui différencie une performance « pop » d’une performance « théâtrale » digne de l’Actors Studio.

Au-delà du maquillage : Une métamorphose psychologique

On parle souvent de la perte de poids, mais la transformation va bien au-delà. Pour incarner la descente aux enfers de Fantine, qui vend ses cheveux, ses dents et son corps pour sa fille Cosette, Anne Hathaway a pratiqué une forme extrême de Method Acting.

Le régime de la « famine »

L’actrice a perdu environ 11 kilos (25 livres) en un temps record. Elle a décrit son régime comme consistant principalement à manger de la « pâte d’avoine séchée » (dried oatmeal paste). L’objectif n’était pas esthétique, mais ressenti : elle devait avoir l’air « proche de la mort ». Cette fragilité physique se ressent dans sa voix, qui manque de souffle par moments, ajoutant au réalisme tragique du film.

La scène des cheveux : Un aller sans retour

La scène où Fantine se fait couper les cheveux n’est pas un trucage. Anne Hathaway a insisté pour que ses vrais cheveux soient coupés face caméra. Il n’y avait droit qu’à une seule prise. La terreur que l’on lit dans ses yeux n’est pas feinte : c’est l’adieu d’une femme à son identité. Ce geste a marqué les esprits des votants de l’Academy Awards, prouvant qu’elle ne reculerait devant rien pour l’art.

Analyse de scène : La déconstruction de « I Dreamed a Dream »

C’est la scène qui lui a valu l’Oscar. La chanson « I Dreamed a Dream » est l’un des standards les plus connus du répertoire musical. Elle a été chantée par des voix puissantes comme Susan Boyle ou Patti LuPone.

Cependant, l’interprétation de Anne Hathaway prend le contre-pied total de la puissance vocale :

1. Le cadrage : La caméra reste en gros plan (close-up) sur son visage pendant presque toute la durée de la chanson. Aucune coupe de montage ne vient « sauver » la performance.
2. L’émotion sur la technique : Au lieu de « belter » (chanter fort) les notes hautes, elle les murmure, les étouffe dans des sanglots. Elle transforme un hymne mélodique en un monologue déchirant sur la perte de l’espoir.
3. La vulnérabilité : Allongée ou recroquevillée, elle ne cherche pas à séduire le spectateur, mais à exprimer une douleur viscérale.

Cette scène reste, à ce jour, l’un des moments les plus forts de la décennie au cinéma.

L’effet de groupe : Une distribution d’élite

Une performance ne brille jamais seule. La filmographie de Anne Hathaway a bénéficié ici d’un environnement de travail exceptionnel orchestré par Working Title Films et Cameron Mackintosh.

Elle donne la réplique à un Hugh Jackman (Jean Valjean) au sommet de sa forme physique et vocale. La bienveillance de Jackman sur le plateau a souvent été citée par Hathaway comme un soutien crucial. De même, la présence d’acteurs comme Eddie Redmayne (Marius) et Amanda Seyfried (Cosette) a créé une émulation de groupe.

Même face à des critiques sur le casting de Russell Crowe (Javert), dont la voix rock convenait moins à l’opéra, la pureté de la performance de Hathaway a servi d’ancrage émotionnel pour tout le film. Elle n’apparaît que peu de temps à l’écran (environ 15 à 20 minutes), mais son fantôme hante le reste de l’œuvre jusqu’au final.

L’après-Misérables : Gérer la gloire et la haine

Gagner un Oscar est une bénédiction, mais aussi parfois une malédiction. Après sa victoire en 2013, l’actrice a fait face à un phénomène internet surnommé le « Hathahate ». Le public et certains médias lui reprochaient d’être « trop parfaite », « trop préparée » ou de manquer de naturel dans ses discours de remerciement.

Cependant, avec le recul, cette période a solidifié sa carrière. Elle a prouvé sa résilience. Au lieu de s’effondrer, elle a diversifié ses choix :

• Science-Fiction : Elle rejoint Christopher Nolan pour Interstellar, jouant une scientifique froide et pragmatique, à l’opposé de Fantine.
• Comédie : Elle revient à ses racines avec Le Nouveau Stagiaire (The Intern) aux côtés de la légende Robert De Niro.
• Blockbuster féminin : Elle brille dans Ocean’s 8, jouant une version satirique d’une starlette capricieuse, prouvant qu’elle a beaucoup d’autodérision.

Aujourd’hui, la performance dans Les Misérables n’est plus vue comme un « bait » à Oscars, mais comme une performance historique légitime.

En images : La puissance de l’œuvre

Pour saisir l’ampleur de la production et le talent déployé, rien ne vaut les images. Découvrez ci-dessous la bande-annonce officielle qui a marqué le retour du film musical à grand spectacle.

Bande-annonce officielle (VF)

Cet aperçu permet de comprendre l’ambiance sombre et épique voulue par Tom Hooper, bien loin des couleurs vives des comédies musicales classiques.

L’émotion brute à l’écran

La performance chorale des acteurs reste l’un des points forts du film, saluée par la critique internationale lors de sa sortie.

Foire Aux Questions (FAQ) sur Anne Hathaway et Les Misérables