Natalie Portman dans Léon : Anatomie d’un Rôle Culte et Analyse du Duo avec Jean Reno
L’alchimie entre le tueur à gages illettré incarné par Jean Reno et l’orpheline vengeresse est devenue légendaire. Mais au-delà de l’action, c’est la performance d’une maturité effrayante de la jeune actrice qui fascine encore aujourd’hui. Comment une enfant de 11 ans a-t-elle pu porter un tel poids dramatique ? Comment ce duo a-t-il redéfini les archétypes du cinéma ?
Dans cette analyse approfondie, nous décortiquons la genèse du personnage de Mathilda Lando, la dynamique complexe avec Léon, et l’héritage indélébile de ce chef-d’œuvre de Columbia Pictures.
Sorti en 1994, le film Léon (connu sous le titre The Professional aux États-Unis) n’est pas seulement un sommet du cinéma d’action des années 90. C’est l’œuvre qui a révélé au monde l’un des plus grands talents de sa génération : Natalie Portman. Sous la direction de Luc Besson et produit par Gaumont, ce long-métrage a su transcender les codes du thriller pour offrir une histoire d’amour platonique et tragique.
À RETENIR : L’Essentiel en 3 Points
- Une Révélation Précoce : Natalie Portman a obtenu le rôle face à 2000 candidates (dont Liv Tyler) grâce à une capacité émotionnelle hors normes pour ses 11 ans.
- Un Duo de Contrastes : La force du film repose sur l’opposition entre le jeu minimaliste de Jean Reno et l’énergie brute et tragique de l’enfant.
- Deux Versions du Film : La « Version Intégrale » (ou Director’s Cut) change radicalement la perception de la relation, la rendant plus ambiguë et profonde que la version sortie en salles.
1. Le Casting Impossible : Comment Natalie Portman a convaincu Luc Besson
L’histoire du casting de Mathilda est presque aussi célèbre que le film lui-même. Au départ, le directeur de casting Todd Thaler cherchait une actrice légèrement plus âgée. Lorsque Natalie Portman s’est présentée, elle n’avait que 11 ans. Luc Besson la trouvait initialement trop jeune, craignant que le film ne sombre dans le voyeurisme ou le malaise.
Cependant, une seconde audition a tout changé. On a demandé à la jeune actrice d’imaginer la perte de sa famille. En quelques secondes, Natalie Portman a livré une performance bouleversante, pleurant avec un réalisme qui a scotché l’équipe de production de Les Films du Dauphin. Elle ne jouait pas la tristesse ; elle canalisait une douleur profonde. C’est à cet instant précis que Luc Besson a su qu’il tenait son héroïne.
Il est intéressant de noter que l’actrice Liv Tyler était également pressentie, mais à 15 ans, elle semblait déjà trop « adulte » pour le rôle. La fragilité physique de Natalie Portman était essentielle : elle devait paraître minuscule à côté de l’imposant Jean Reno pour que la dynamique de protection fonctionne visuellement.
2. Mathilda Lando : Analyse d’une « Adulte dans un corps d’enfant »
Le personnage de Mathilda est une anomalie dans le cinéma des années 90. Elle n’est ni la « demoiselle en détresse », ni l’enfant mignon servant de caution humoristique. Dès sa première apparition, cigarette aux lèvres (qu’elle ne fume pas vraiment), assise dans une cage d’escalier de New York, elle dégage une aura de désillusion totale.
Une dualité psychologique complexe
La performance de Natalie Portman repose sur une oscillation constante. D’un côté, elle est une enfant qui regarde des dessins animés (Transformers) et boit du lait. De l’autre, elle négocie des contrats d’assassinat et nettoie des armes de poing. Cette dualité force le spectateur à s’interroger : a-t-elle perdu son innocence à cause du massacre de sa famille, ou n’a-t-elle jamais vraiment été innocente ?
Le Look Iconique
Impossible d’analyser ce rôle sans mentionner l’impact visuel créé par la costumière Magali Guidasci. Le carré court, le choker (collier ras-de-cou), le blouson bomber oversize et les bottines militaires ont créé une silhouette immédiatement reconnaissable. Ce look a influencé la mode pendant des décennies. Natalie Portman portait ces vêtements comme une armure, symbolisant sa transformation en « nettoyeur » apprenti.
3. Jean Reno et Natalie Portman : La Mécanique du Duo
Si Natalie Portman est le cœur émotionnel du film, Jean Reno en est la colonne vertébrale. Son interprétation de Léon est un modèle de retenue. L’acteur français, déjà complice de Besson sur Le Grand Bleu et Nikita, joue un homme-enfant, socialement inadapté, dont la seule relation affective est une plante verte (une Aglaonema).
Le Silence vs La Parole
La dynamique fonctionne sur un contraste sonore et physique. Jean Reno parle peu, bouge lentement, et occupe l’espace par sa masse. Natalie Portman, elle, est verbale, vive, et envahissante. Elle force Léon à sortir de sa routine monacale. La scène où elle l’implore d’ouvrir la porte alors que les hommes de la DEA massacrent sa famille est un sommet de tension. Le regard de Jean Reno à travers le judas, hésitant entre sa sécurité et son humanité, est le pivot du film.
La Plante comme Métaphore
La plante de Léon est le symbole de son propre enracinement impossible. Il dit d’elle : « Elle est comme moi, pas de racines. » Lorsque Mathilda plante l’arbuste dans le parc à la fin du film (sur le titre Shape of My Heart de Sting), elle accomplit le destin de Léon : lui offrir enfin une terre d’accueil. Natalie Portman porte cette scène finale avec une gravité qui scelle le statut culte de l’œuvre.
4. Gary Oldman : Le Catalyseur du Chaos
Pour souder le duo Portman / Reno, il fallait une menace absolue. Gary Oldman incarne l’agent de la DEA Norman Stansfield. Sa performance est souvent citée comme l’une des meilleures interprétations de méchant de l’histoire du cinéma.
Là où Léon est méthodique et calme, Stansfield est erratique, drogué et mélomane. Il tue au rythme de Beethoven. La scène où il hurle « EVERYONE! » est une improvisation de l’acteur qui a surpris toute l’équipe technique. Pour Natalie Portman, jouer face à une telle énergie destructrice était un défi majeur. Elle devait exprimer une terreur viscérale sans se laisser écraser par le charisme dément de Gary Oldman. C’est cette peur palpable qui rend la quête de vengeance de Mathilda si crédible.
5. Version Cinéma vs Director’s Cut : La Polémique
Il est crucial pour tout cinéphile de comprendre qu’il existe deux versions de Léon. La version sortie en salles aux USA a été amputée d’environ 25 minutes par rapport à la vision originale de Luc Besson.
Dans la Version Intégrale (disponible en Blu-Ray et DVD), la relation entre Mathilda et Léon est bien plus ambiguë. On y voit Natalie Portman accompagner Jean Reno sur ses contrats, apprenant concrètement à tuer. On y trouve aussi des scènes où Mathilda tente de provoquer une intimité physique, que Léon rejette maladroitement mais fermement. Ces scènes ont été jugées trop dérangeantes pour le public américain de 1994 lors des projections tests.
Cette censure a, paradoxalement, rendu le film plus « romantique » au sens classique, mais a gommé une part de la complexité psychologique voulue par Luc Besson. Aujourd’hui, la performance de Natalie Portman dans ces scènes coupées montre à quel point elle maîtrisait déjà les nuances du rejet et de la provocation.
6. L’Héritage : De Mathilda à Jane Foster
Le rôle de Mathilda a été un tremplin immédiat. Contrairement à beaucoup d’enfants stars qui disparaissent, Natalie Portman a utilisé cette expérience pour construire une carrière exigeante. Elle a enchaîné avec Heat face à Al Pacino, puis Mars Attacks! de Tim Burton, avant de rejoindre la saga Star Wars de George Lucas.
Mais l’héritage de Léon dépasse sa filmographie. Le film a créé le trope du « Guerrier Solitaire et l’Enfant », que l’on retrouve aujourd’hui dans des œuvres massives comme The Last of Us (Joel et Ellie), Logan (Wolverine et X-23) ou encore The Mandalorian (Mando et Grogu). À chaque fois, on retrouve l’ADN du duo Jean Reno / Natalie Portman.
7. Actualité : Jean Reno et la continuité de la figure paternelle
Si Natalie Portman est devenue une figure de proue d’Hollywood (récompensée aux Oscars pour Black Swan), Jean Reno a conservé cette image de protecteur bourru dans l’imaginaire collectif. Récemment, l’acteur a renoué avec ce type de rôle dans le film familial Mon Ami Le Petit Manchot. Bien que le ton soit radicalement différent, on y retrouve cette même mécanique : un homme fermé sur lui-même qui s’ouvre au contact d’un être vulnérable.
Pour les fans de la première heure, voir Jean Reno continuer à explorer cette facette de son jeu est un rappel touchant de l’impact émotionnel qu’il a eu dans Léon.
Conclusion
Plus de 30 ans après, Léon reste une anomalie magnifique. C’est le point de rencontre parfait entre le style visuel du cinéma français des années 90 (« Cinéma du look ») et l’efficacité narrative d’Hollywood. Au centre de tout cela, la performance de Natalie Portman demeure un miracle de justesse. Elle n’a pas seulement joué un rôle ; elle a incarné une icône qui continue d’inspirer des générations d’actrices et de réalisateurs.
Foire Aux Questions (FAQ)
Quel âge avait vraiment Natalie Portman dans Léon ?
Natalie Portman avait 11 ans lors du casting initial et a fêté ses 12 ans pendant le tournage du film en 1993. C’était sa toute première expérience professionnelle face caméra.
Pourquoi le film a-t-il fait polémique ?
Le film a souvent été critiqué pour la sexualisation latente du personnage de Mathilda et la nature ambiguë de sa relation avec Léon. Luc Besson a toujours défendu une vision d’amour pur et platonique, mais les scènes coupées de la version originale montraient une Mathilda plus provocatrice.
Natalie Portman a-t-elle gardé contact avec Jean Reno ?
Oui, les deux acteurs ont gardé beaucoup d’affection l’un pour l’autre. Jean Reno a souvent exprimé sa fierté de voir la carrière exceptionnelle de sa jeune partenaire, la considérant comme une actrice surdouée dès le premier jour.